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Ferdinand Bac, témoin de la vieille Europe achève sa vie d’artiste et de mémorialiste à Compiègne, dans la Surintendance des Bâtiments du Roi.

Ferdinand Bac

Charles Henri Bach, fruit d’une liaison de Jérôme Bonaparte — que son frère aîné avait fait roi de Westphalie — avec une dame de sa Cour, était le père de Ferdinand Bac. Né à Stuttgart le 15 août 1859, ce petit-neveu de Napoléon ignore encore ses liens de famille, alors qu’il accompagne ses parents chaque année à Paris et fréquente la Cour de son cousin germain, Napoléon III. En 1867, il séjourne d’ailleurs au château de Compiègne.

Peu après la mort de son père, survenue fin 1870, sa mère le laisse s’installer à Paris, puis il voyage à Munich et à Venise. De retour à Paris, il fréquente le milieu littéraire et artistique par l’intermédiaire d’Arsène Houssaye. Ses dons sont reconnus et le Compiégnois Albert Robida l’engage à La Caricature. C’est alors qu’il devient le dessinateur attitré des « petites femmes » du monde de la galanterie, notamment à La Vie parisienne. Il poursuit ses voyages : en Espagne, en Hollande, s’éprend d’un domaine dans le Vexin puis se fixe à Versailles et passe ses hivers sur la côte d’Azur où il retrouve l’impératrice Eugénie, alors très âgée. Il mène alors une double carrière de mémorialiste ( Vieille Allemagne, Souvenirs d’exil, Intimités de la III” République) et de dessinateur de jardins ( Villa Croisset à Grasse, La Fiorentina au Cap-Ferrat).
Monsieur et Madame Emile Ladan-Bockairy, avec qui il a lié amitié, le chargent de restaurer deux propriétés qu’ils viennent d’acquérir au lendemain de la Grande Guerre et d’en décorer les jardins : à Menton, Les Colombières, à Compiègne, l’ancienne Surintendance des Bâtiments du Roi. C’est en 1747 que la surintendance, auparavant située au coin des actuelles rues Hippolyte Bottier et d’Humières, est transférée au 9 rue des Domeliers.
L’hôtel s’agrandit peu avant la Révolution mais subit ensuite bien des avanies. Ferdinand Bac redonne à la maison le style de ses anciens beaux jours et crée deux jardins différents. Entre la maison et le rempart, règne l’esprit d’Hubert Robert et un classicisme lyrique : une grande pelouse avec quelques buis taillés, encadrée par deux charmilles de roses, au centre un bassin avec un vase monumental et, signant la perspective, une sorte d’obélisque. Deux rangées de tilleuls surmontent la muraille qui longe un jardin d’ornement situé dans les fossés : du style italo-français cher à François Ier, une tapisserie de buis et de troènes noirs y dessine des fleurs de lys.
La Surintendance sera successivement la demeure de Le Normand de Tournehem, du marquis de Marigny, frère de la marquise de Pompadour, puis du comte d’Angiviller. Elle est inscrite à l’inventaire des Monuments historiques depuis le 12 mai 1944, sous le nom d’hôtel des Relations extérieures, rôle qu’elle joue sous le Premier Empire. Le bâtiment et le jardin sont acquis après la mort de Madame Jacques Mourichon, née Ladan-Bockairy, en 1988, par une société d’assurances, la MACIF. Au-delà du rempart, l’autre jardin est devenu une pro­menade publique. Ces jardins gardent le décor imaginé par Ferdinand Bac.

La chanteuse Polaire, par Ferdinand Bac (1900)

Entre les deux guerres mondiales,  Bac poursuit la publication de ses souvenirs et y juxtapose de nouvelles impressions. L’Allemagne, l’Italie où il rencontre Mussolini, la France du Second Empire, demeurent ses thèmes de prédilection. Il fait aussi œuvre de Tioraliste, avec L’extraplanétaire et La flûte et le tambour. L’exode le chasse de Compiègne. Réfugié à Rimont dans l’Ariège, il y perd, en août 1944, tous ses papiers, sa collection d’autographes et ses dessins récents.
Il passe ses dernières années à Compiègne où il continue d’écrire et surtout de dessiner. Un jeune Compiégnois, Jean Barberie (1911-1997), l’entoure d’une affection filiale et fait beaucoup pour sa mémoire. Ferdinand Bac meurt le 18 novembre 1952, cinq jours après son hôte, Emile Ladan-Bockairy. Il aura eu la chance de trouver un biographe de talent en Ghislain de Diesbach.
Ce qui reste de plus vivant dans l’œuvre de Bac, écrite ou dessinée, est sans doute ce constant échange entre le passé et le présent qui lui fait revivre un personnage, une scène, ou un paysage. Dans ses Mémoires inédits, rédigés à la fin de sa vie, il énonce sa méthode : Voyager dans le passé et en même temps dans le présent. Je les marie sans cesse ensemble, je noue l’expérience à la minute vécue… Tout chez moi est intuition, rien n’est science… Du passé, j’ai fait un actuel. L’actuel? Un instant, un provisoire, sans réponse à aucune de mes questions. Un passé vivant qui réclame réponse à tout, un présent muet et aveugle, muet avec ses haut-parleurs, son tumulte d’informations. ..

Texte de François Callais, tiré de l’ouvrage “Mémoire de Compiègne”, ed. J. Marseille

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