Dans sa séance du 29 Août 1930, le Conseil Municipal de Compiègne donnait à une voie nouvellement aménagée Place de l’Hôpital le nom de Claude Mercier.
On peut se demander quel mobile avait fait fixer ce choix car s’il fut un écrivain laborieux, non dénué de mérite, Claude Mercier, connu sous le nom de Mercier de Compiègne, n’a, en fait, donné que des productions assez médiocres.
Claude-François-Xavier Mercier, né à Compiègne en 1763 avait fait d’excellentes études au Collège de Compiègne. Dénué de toute fortune, à 15 ans, il lui fallut gagner sa vie. Il entra, en qualité de secrétaire, au service d’un très savant homme, le chevalier Louis de Jaucourt, qui, après avoir vécu en Hollande et à Paris, était venu se retirer à Compiègne. Né à Paris en 1704, le chevalier de Jaucourt avait fait ses études à Genève, à Cambridge et à Leyde où il s’était lié avec le savant Tronchin. Il avait publié en 1734 une vie de Leibniz et une étude sur ses ouvrages.
Rentré à Paris, il avait collaboré à l’Encyclopédie, dans laquelle il avait écrit des articles remarquables, notamment ceux de “Paris” et du “Peuple”. Il était, a-t-on dit alors, “versé dans les littératures anciennes et modernes; il parlait plusieurs langues, et, quoi qu’il se sentit une prédilection marquée pour la médecine, son esprit avide de savoir avait parcouru le cercle presque entier des connaissances humaines.
Auprès d’un tel homme, le jeune Claude Mercier ne pouvait que perfectionner l’instruction solide qu’il avait reçue. Malheureusement, le chevalier de Jaucourt mourait à Compiègne en 1779.
Voilà Claude Mercier sur le pavé. A 16 ans, il quitte Compiègne pour aller chercher fortune à Paris, oùil devient commis au Ministère de la Marine. Ainsi que le font encore bien des fonctionnaires de nos Ministères, il se distrait de ses occupations paperassières en livrant au public des productions littéraires. Il écrivait bien, tournait aisément les vers, connaissait parfaitement le latin ; avec cela tous les espoirs sont permis.
Mercier donna quelques poésies à l’Almanach des Muses. En 1788 il publie « Mon serre-tête ou les après soupers d’un commis”.
Mais il ne suffit pas décrire; il faut vendre ses productions. Pour cela Mercier se fait libraire et même éditeur. Dès 1788, il édite en quatre volumes, la “Bibliothèque des Boudoirs“. Survient la Révolution. En 1790, Mercier dédie à Bailly, maire de Paris, un poème lyrique en un acte : la “Fédération”. En 1792, il donne les “Soirées de l’Automne” et une nouvelle “Rosalie et Gerbois“. La Convention qui veut organiser l’enseignement public, entend aussi encourager les lettres et les arts. Elle accorde son aide à des écrivains et. Mercier de Compiègne se trouve parmi les bénéficiaires de ses largesses. Ses œuvres vont se multiplier. C’est en 1793 “Ismaël et Christine“, puis les ‘Veillées du Couvent ou le Noviciat d’Amour“. En 1794, le “Despotisme”. En 1795, “Fragments dramatiques” sous le pseudonyme d’Aletophile; les “Nuits d’hiver“; le “Palmier ou le triomphe de l’amour conjugal” la meilleure des ses œuvres poétiques. 1797 voit paraître les “Matinées de printemps” et “Gérard de Velsen ou l’Origine d’Amsterdam“. En 1798, ce sont les “Lubies théologiques“. En 1799, le “Bréviaire des Jolies Femmes“; le “Faux pas pu la Morale au sucre” comédie en trois actes; “l’Eloge du Pet” imité de Godenius.
En 1800, Claude Mercier fonde le Furet Littéraire, revue qui devait être mensuelle mais n’eut qu’un seul numéro. La même année, il avait écrit un “Manuel du Voyageur à Paris” et un poème burlesque, “la Calotine ou la tentation de Saint-Antoine”,
Mercier a également écrit les Loisirs d’un Rentier, une Histoire de Marie-Stuart, “les Nuits de la Conciergerie”, “la Sorcière de Verberie”. Il a traduit un certain nombre d’ouvrages que leurs auteurs avaient écrits dans ce latin qui, dit-on, brave l’honnêteté : “l’Eloge du Pou”, de Daniel Heinsius, bibliothécaire de l’Université de Leyde; “l’Eloge de la Boue”, de Marc-Antoine Majoragio; “l’Eloge de la Paille” de Wildebram; “l’Eloge de la Goutte” de Pickerheimer.
Comme libraire-éditeur, Mercier donna de nouvelles éditions “des Soupirs du Cloître”, de Guimond de la Touche, “de l’Eloge du Sein” de Ducommun, du “Voyage au Royaume de Coquetterie” de l’Abbé d’Aubignac.
Il mourut en 1800 à l’âge de 37 ans et serait complètement oublié si la Ville de Compiègne n’avait donné son nom à une impasse. Sa vie ne fut-elle pas elle-même une impasse où se brisa un talent qui avait pourtant donné une meilleure espérance.
Par Jacques Mermet, tiré de “nos rues ont une histoire”