Georges Guynemer est né à Paris le 24 décembre 1894. Les Guynemer se targuent d’une lointaine ascendance espagnole, sans doute par la Flandre ; venus de Bretagne, ils sont installés au Thuit, près des Andelys, depuis 184l. La grand-mère paternelle de Georges est écossaise et sa mère, une Doynel de Saint-Quentin, famille notable du Calvados. Son père, Paul Guynemer, sorti de Saint-Cyr, quitte l’armée lors de son mariage et s’établit à
Compiègne, en 1903, dans une maison qu’il fait construire en lisière de forêt. L’actuel n° 12 de la rue Saint-Lazare est une réussite architecturale qui mérite d’être protégée pour elle-même, sans même tenir compte de son immense valeur sentimentale. Malheureusement pillée en 1944, elle sera vendue par la famille vers 1960 et deviendra alors une hôtellerie de qualité.
C’est là que grandit le petit Georges et ses deux sœurs aînées dont l’une allait mourir en 1918 de la grippe espagnole. Sa chambre, au premier étage, donne sur le jardin.
Compiègne sera le port d’attache de sa vie fulgurante.
D’une constitution frêle, il est particulièrement choyé par ses parents. Son père s’occupe beaucoup de lui tout en se passionnant pour l’histoire locale car il devient l’un des piliers de la Société historique. On consulte encore aujourd’hui ses travaux, notamment sur le cartulaire de Royallieu ou sur la seigneurie d’Offémont.
Georges Guynemer a d’abord une institutrice privée et n’entre au collège de la rue d’Ulm qu’en classe de 6 — on peut alors le fréquenter de la classe enfantine à celle de philosophie. Le palmarès de juillet 1906 lui attribue un premier prix d’allemand, un deuxième prix de version latine, quelques accessits et le tableau d’honneur; c’est donc un élève d’une bonne moyenne. Son père, chrétien fervent, le met ensuite en pension à Stanislas, collège catholique parisien. C’est seulement pour raison de santé qu’il revient comme externe à Compiègne durant quelques mois en fin de scolarité, mais cette fois à l’institution Pierre d’Ailly. Bombardée en 1915 on en voit les vestiges englobés dans l’actuelle clinique Saint-Corne. Ses maîtres parisiens le décrivent comme un adolescent intelligent mais orgueilleux et entêté, trépidant d’impatience et même chahuteur, cependant honnête et droit.
C’est sur le terrain de Corbeaulieu où, depuis 1911, Martinet et Legagneux démontrent aux Compiégnois leur virtuosité, que Georges, emmené en moto par son camarade Roland de Graffenried, vole clandestinement pour la première fois lors des vacances de 1912. Lucien Malzassard, qui n’a pas encore son brevet de pilote, lui donne son baptême de l’air, sans doute sur un Farman de type « cage à poule ».
Jugé trop chétif par les médecins militaires, Georges Guynemer, désireux de s’engager lors du déclenchement des hostilités en 1914, est tout d’abord ajourné. À force d’obstination, il réussit cependant à se faire accepter comme élève-mécanicien, avant d’être admis élève-pilote puis breveté en 1915.
De juin 1915 à mars 1916, il est stationné à Vauciennes ; de là il survole souvent sa chère maison au cours de ses missions, signalant sa présence par quelque acrobatie, faisant chanter son moteur ou jetant un billet. Ses succès aériens lui en valent d’autres, féminins, et à Compiègne auprès de la « belle pâtissière ». Du 2 au 4 septembre 1917, il revient chez lui, auréolé des cinquante-trois victoires homologuées de sa « mitrailleuse volante ». Il disparaît sept jours plus tard dans le ciel de Flandre.
Sa famille recevra sa vingt-sixième et dernière citation : Héros légendaire tombé en plein ciel de gloire après trois ans de lutte ardente. Restera le plus pur symbole des qualités de la race…
Le 11 novembre 1923, Compiègne inaugure son monument, édifié par souscription nationale sur un terrain cédé par le haras national. Laurent-Eynac, sous-secrétaire d’Etat à l’aéronautique, préside la cérémonie. C’est l’œuvre du sculpteur Henri Edouard Navarre (1885-1971). Guynemer y apparaît debout avec son casque de combat visière levée, deux figures allégoriques aux longues ailes l’encadrent : la guerre, à la figure sévère, et la paix, sereine mais attristée. Au bord de l’Oise, le Cours lui avait déjà été dédié. En 1939, une nouvelle institution secondaire catholique se place sous son patronage. D’Henry Bordeaux à Bernard Marck, en passant par Jules Roy, tous les biographes de Guynemer insistent sur la maison de Compiègne qui fut son refuge et une sorte de sanctuaire familial ; ce petit coin de terre où s’enracine le patriotisme et qui justifie le sacrifice suprême.
(Texte de François Callais, tiré de l’ouvrage “Mémoire de Compiègne“, J. Marseille éditeur)