Le joli port de plaisance de Compiègne est redevenu en partie ce qu’il était jadis. En partie seulement, puisque des dimensions restreintes par force à la suite de la dernière guerre sont restées fort réduites.
Néanmoins il n’est plus ce que déplorait dans les années 70 le docteur Mesnil-Pfeiffer, président du Sport Nautique Compiégnois qui le dénommait ainsi : « Une Z.U.P. pour famille nombreuse de rats ». En effet, depuis la guerre et jusqu’à ce que la Ville entreprenne enfin les travaux nécessaires à la réhabilitation du Port de Plaisance, envahi par des herbes gluantes et prolifiques qui rendaient ses eaux glauques et boueuses, ne supportait plus que deux péniches-habitations malsaines et ses rives hébergeaient également des milliers de rongeurs. Avant la guerre, le Port de Plaisance était né avec le Sport Nautique Compiégnois.
Le S.N.C. était lui-même ne le 28 avril 1882 à la suite d’une réunion tenue en la Salle de la Justice de Paix, où M. Arlot, président du Cercle Nautique Rémois, MM. Diesmer et Pelletier de la Société Nautique Soissonnaise étaient venus aider de leur expérience quelques amateurs de canotage dont le plus ardent était M. Gustave Audy, qui fut immédiatement élu Président de la jeune Société et le resta jusqu’à sa mort le 13 mars 1895. En 1905, M. Fournier-Sarlovèze, maire de Compiègne, devint Président. Son rêve était de faire du S.N.C. une grande Société animée, joyeuse et prospère. Il fit construire sur la rive gauche de l’Oise, un garage d’embarcations, avec terrasse, bureaux et vestiaires. L’inauguration eut lieu au cours d’une grande Semaine Nautique
. Des yachts de haute mer parvinrent à se ranger aux quais décorés de fleurs. En 1921, le Président reconstitue la Société disloquée par la guerre ; un garage supplémentaire est créé ainsi que des vestiaires et des lavabos, une grenouillère pour les tout-petits, un bain à fond pour les moyens et une plage pour les grands avec plongeoirs, girafe, toboggan installés au bord de l’Oise. Le 7 juin 1925, une fête de printemps est donnée à Compiègne par le Touring-Club pour inaugurer ces nouvelles installations. En 1930, le S.N.C. compte 128 membres actifs et 319 membres honoraires. La Société continue à prospérer et en 1932, le 29 juin, elle fête son cinquantenaire par des régates auxquelles 21 Sociétés prennent part. Mais la guerre porte à nouveau un coup terrible au S.N.C. Le matériel est détruit, les clôtures arrachées ; tout sera réparé mais il y a plus grave et celle-là est définitive, irréparable ; une administration vandale et sacrilège fait combler le port de plaisance de gravats provenant de démolitions, anéantissant ce site charmant qui faisait la joie des yachtmen, en contribuant à la prospérité de la ville.
Des touristes de toutes nationalités venaient à Compiègne par voie d’eau et réunissaient leurs bateaux dans ce port. L’hiver les patineurs s’en donnaient à cœur joie, les pêcheurs à la ligne eux-mêmes y trouvaient leur plaisir. Puis tout disparut ; les arbres furent engloutis sous les décombres sans qu’il vint à l’idée de les abattre; briques, ferrailles, pierres de taille et moellons transformèrent ce coin si frais et si joli en un affreux dépotoir, tout cela parce qu’une Administration d’État avait refusé, suivant une vieille coutume d’étudier une solution pratique, parce qu’une autre avait jugé que le moindre effort était tout à fait dans son domaine et qu’une autre encore avait eu peur de prendre une décision. Puis le S.N.C. amputé revint à la vie, le matériel fut remis en état, ainsi que les cours de tennis, les clôtures ; on vit s’élever la piscine, notre malheureux port de Plaisance fut un peu déblayé des saletés qui le submergeaient mais les appels réitérés du docteur Pfeiffer n’étaient pas parvenus à la réédification de ce site enchanteur dont les vieux Compiégnois ne parlent qu’avec regret et émotion, il est maintenant totalement indépendant du S.N.C. et une première tranche de travaux a été exécutée au cours du printemps dernier.
Ainsi le Port de Plaisance de, Compiègne peut dès à présent accueillir à postes fixes sur pontons ou sur berges une cinquantaine de bateaux. Dans la prochaine tranche de travaux, est prévue l’installation des sanitaires, de clôtures et d’une rampe de mise à l’eau des bateaux. Au cours de la saison 1974, le Port a reçu la visite d’un certain nombre de bateaux de plaisance tant Français qu’étrangers, Anglais, Hollandais, Belges, Allemands qui commencent à découvrir les voies d’eau de notre pays.
Par Jacques Mermet, tiré de “nos rues ont une histoire”