En 1153, la reine Adélaïde, veuve de Louis VI le Gros, accorde une charte de franchise en faveur des populations prêtes à défricher ses terres et à s’établir dans un nouveau village encore bien modeste, La Neuville. Philippe le Bel qui aime cette résidence, y édifie un manoir, puis fonde, en juin 1303, un prieuré en l’honneur de saint Louis dont son propre chapelain, Jean des Granges, devient le premier prieur. Appartenant à l’ordre dit du Val des Ecoliers, lieu de sa fondation proche de Langres, une vingtaine de moines vivent à Royallieu, nom apparu en 1308, sous la règle de saint Augustin, desservant la chapelle dédiée au saint roi, enrichie d’un précieux fragment de la Vraie Croix, distrait du trésor de reliques de la Sainte-Chapelle de Paris. Le reliquaire en sera porté en grande pompe au château de Compiègne chaque Vendredi Saint jusqu’à la Révolution. Incendiée en 1430, la résidence royale ne s’en relève pas mais l’abbaye continue de vivre petitement avant que les Bénédictines de Saint-Jean-aux-Bois, autre fondation de la reine Adélaïde, n’obtiennent d’échanger leur couvent perdu en pleine forêt avec celui des frères augustins, en 1634. Dès lors, gouverné par de nobles abbesses, le monastère accueille de nombreuses pensionnaires ; la Cour le fréquente volontiers lors des séjours de Louis XV et sa dernière abbesse Françoise Paris de Soulanges fut sous-gouvernante de Madame Louise, fille du roi. Transformé en hôpital militaire en 1793, vendu, il est en partie détruit, puis transformé en résidence privée où le baron de Balsan reçoit Coco Chanel. Il agrandit l’édifice vers 1920. En subsistent le portail d’entrée, une partie du logis abbatiale et la ferme voisine avec son grand pigeonnier. Acquise par la Ville en 1976, la défunte abbaye a pour écrin le vaste parc de Bayser, du nom de ses derniers propriétaires. Non loin, au coeur de l’ancien village agricole et artisanal, une simple chapelle de style roman, inaugurée le 8 mai 1890, rappelle ses pieux souvenirs. Aujourd’hui, Royallieu demeure un quartier résidentiel tourné à la fois vers la ville et vers la forêt qu’annonce le square du Vivier-Corax, maison forestière toute voisine.
Par Eric Blanchegorge, président de la Société historique