La rue d’Austerlitz est formée de la réunion des deux anciennes rues du Portail-Saint-Antoine et des Jacobins ou des Dominicains.
Le 5 octobre 1793, le Conseil de la Commune avait décidé de donner à cette voie le nom de la rue des Marseillais. En 1806 on donna à une partie de la rue le nom d’Austerlitz pour célébrer tout à la fois la grande victoire des armes françaises et un illustre Compiégnois qui avait contribué à ce succès, le général de Seroux, dont la demeure se trouvait dans cette rue.
Né le 3 septembre 1742, Jean-Nicolas de Seroux était entré au service à 13 ans, le 7 juin 1755, comme cadet d’artillerie. Il avait pris part à la guerre de Sept Ans et était lieutenant-colonel à la Révolution. Destitué en 1793, il avait été réintégré dans son grade peu après et avait fait avec honneur les campagnes de la République et de l’Empire, se distinguant notamment à Friedland. A Austerlitz, il commandait l’artillerie du 6 corps, sous les ordres du maréchal Ney. Il avait alors comme chef d’état-major, son gendre, le baron de Bicquilley, qui devint général d’artillerie.
La brillante conduite du général de Seroux à Austerlitz, lui avait valu le grade de général de division, le 8 février 1806 et la dignité de grand officier de la Légion d’Honneur, le 11 juillet 1807. Il prenait sa retraite en 1815, après 60 ans de service et était nommé lieutenant-général honoraire. Conseiller municipal de Compiègne sous la Restauration, il mourut le 5 septembre 1822.
Sous la Restauration, le nom de rue d’Austerlitz avait été supprimé. Par une lettre lue au conseil municipal le 23 mai 1846, M. de Bicquilley, petit-fils du général de Seroux, demanda le rétablissement de ce nom qui rappelait le souvenir des hauts faits de son grand-père et de son père, en même temps qu’une glorieuse victoire française. Le conseil municipal décida, non seulement de rendre à la partie de la rue qui l’avait porté, le nom d’Austerlitz, mais de l’étendre à toute la rue s’avançant jusqu’au portail Saint-Antoine.
L’immeuble qu’avait occupé le général de Seroux est la magnifique propriété du Beauregard, qui longe une partie de la rue d’Austerlitz, et qui fit autrefois partie du domaine que Charles-le-Chauve possédait sur le bord de l’Oise et que l’on appelait le Logis du Roi. Plus tard, Saint Louis avait donné une partie de ce domaine aux religieux de l’ordre de Saint-Dominique, pour y fonder un couvent de Frères prêcheurs, ou Jacobins.
La communauté des Jacobins, dont le savant M. Matherat a rappelé l’existence dans une récente communication à la Société Historique, subsista à Compiègne jusqu’à la Révolution, mais bien diminuée. On avait songé à y tenir les États Généraux de 1789, mais les hésitations de Louis XVI empêchèrent la réalisation de ce projet qui aurait pu changer le cours de l’Histoire.
Les biens des religieux Jacobins furent adjugés le 23 mars 1791, devant le directoire du district de Compiègne, à Alexandre-Pierre-Gabriel Scellier, qui, le jour même, passait déclaration de commande au profit de Jean-François-Nicolas Pillon, ancien lieutenant de l’élection de Montdidier, demeurant à Amiens.
Le 7 fructidor an X, Mme veuve Pillon vendait la maison nouvellement construite sur l’emplacement de l’église des Jacobins, au général de Seroux et à Mme Charlotte-Lazarine Doulcet de Toulmont, son épouse. Le domaine passa à son gendre, le baron de Bicquilley, puis devint la propriété du comte Emile de Songeons, qui épousa Mlle de Bicquilley et fut conseiller municipal de Compiègne de 1860 à 1871. Le fils de ce dernier, le comte de Songeons, mort à Compiègne pendant la dernière guerre, a légué ce magnifique domaine à la ville de Compiègne. On y installe actuellement, par les soins de M. Mathérat, le musée Vivenel, tandis que l’admirable parc est devenu l’une de nos plus agréables promenades publiques…
La partie haute de la rue d’Austerlitz s’appelait autrefois rue du Portail et place Saint-Antoine. Pendant la Révolution, la place Saint-Antoine fut nommée place de l’Union. Un « Mystère de la vie et Invention de Saint-Antoine » y avait été représenté, en 1457 par des jeunes gens sur un théâtre dressé devant le portail de Saint-Antoine.
A l’angle des rues Saint-Antoine et d’Austerlitz se trouvait l’Hôtel des Chapeaux-Rouges, tenu au XVe siècle, par Guillaume Hersent. Le 1 avril 1453, les attournés Jean Lemaire, Pierre Bultel et Walerand Le Féron, y offrirent un dîner et un souper au Frère Guillaume Truffault, religieux de l’église de Poissy, pour remercier d’avoir prêché le carême dans les paroisses de la ville. A ces deux repas, qui coûtèrent 27 sous parisis, avaient été conviés Pierre Crin, Simon Rose et quelques autres notables. Guillaume Hersent mourut en 1476 après avoir tenu l’hôtellerie pendant 27 ans. Sa veuve continua à la gérer. L’hôtel appartint en 1582 à Nicolas Broutin, et, en 1628, à Nicolas Crin.
A côté de l’enclos des Jacobins, se trouvait l’hôtel du Béguinage, qui existait encore en 1449. Il servait de refuge à des filles ou veuves qui y vivaient dans des logements séparés, sans être astreintes aux règles religieuses et qui pouvaient s’en retirer à leur gré.
L’hôtel de la Couronne, aujourd’hui le Puits 120, était à l’angle des rues d’Austrelitz et de Bouvines.
Au n°30 était l’hôtel de Condé, acquis en 1818 par Jacques-François de Lancry de Rimberlieu. Sa fille, Lucie épousa le comte Maximilien de Béthune. La propriété fut léguée par la veuve du comte de Béthune à Mme de Fromessent.
Au n°34, dit Arthur Bazin, était « Le Chasseur de la Garde », maison en bois hourdé, qui était remarquable par ses étages en encorbellement. Les saillies étalent ornées de têtes grotesques et de feuillages découpées. Les consoles portaient des écussons. Sous le toit, une frise était ornée de rinceaux, d’oiseaux et animaux fantastiques.
Rappelons aussi qu’à l’angle de la rue des gournaux et de la rue d’Austerlitz se trouve l’hôtel qu’habitait Guillaume de Flavy, défenseur de Compiègne en 1430.
Que de souvenirs évoque la rue d’Austerlitz, depuis Charles-le-Chauve jusqu’à notre temps, en passant par Saint Louis, Jeanne d’Arc et les guerres de la Révolution et de l’Empire.
Jacques Mermet, tiré de “nos rues ont une histoire“.