Autrefois rue de la Porte-Chapelle, puis en 1793 rue de Thionville, la rue d’Ulm reçut en 1806 son nom actuel qui évoque le souvenir d’un grand succès des armes françaises. Beaucoup de maisons de cette rue et de la cour des Fontaines furent démolies au XVIIIe siècle pour permettre les agrandissements du Château que cette rue borde sur un de ses côtés, alors que de l’autre se trouvent le Lycée et le Théâtre du Palais. Longtemps, le couvent des Carmélites touchait cette rue, Au XVIIle siècle, une partie du terrain des Carmélites, où se trouve aujourd’hui le Théâtre neuf fut utilisée pour la construction de l’hôtel de Nangis et de l’hôtel d’Estissac, que fit aménager Mme de Pompadour. Pendant la Révolution, le couvent servit d’hôpital militaire sous le nom d’Hôpital Jean-Jacques Rousseau. Il fut vendu le 11 brumaire an IV au citoyen Féret maçon au prix de 950.200 livres en assignats. Sur ce terrain on construisit quatre maisons d’habitation, dont l’une fut l’auberge du Pou Volant, dont la réputation n’était pas des meilleures.
Sous Napoléon III, on construisit le Théâtre neuf. Le 26 février 1867 le Conseil Municipal autorisait l’établissement d’un pont traversant la rue d’Ulm pour relier le Palais au Théâtre dont la construction fut commencée en mai suivant. Les travaux de maçonnerie avaient été confiés sous la direction de l’architecte Ancelet à M. Billet entrepreneur des travaux du Palais de Saint-Cloud, moyennant 541.000 F. Les terrassements avaient été faits par l’entrepreneur Moreau. Les travaux intérieurs furent interrompus en 1870 et sont restés inachevés. En 1950 on a envisagé leur reprise et la mise du Théâtre à la disposition de la Ville. Ce théâtre était destiné à remplacer le théâtre aménagé en 1832 de l’autre côté de la rue, près de la Porte Chapelle, lors du mariage du Roi des Belges, Léopold 1er, avec la princesse Louise d’Orléans, fille de Louis-Philippe. Ce petit théâtre, fort bien conçu a été utilisé en 1901, lors du séjour à Compiègne du tsar Nicolas II et de la tsarine. De part son voisinage, se trouvait presque une dépendance du Château. Le jeu de paume du Château s’y trouvait vis-à-vis de l’ancienne chapelle du Collège. Par la suite, il fut reporté plus loin.
M. Arthur Bazin a rappelé que « pendant le règne de Louis XV les tables du Château étaient servies avec une telle profusion que leur desserte, cédée à bas prix par les officiers de bouche à des revendeurs, suffisait pour nourrir pendant le séjour du roi, une grande partie des habitants de Compiègne. Des marchands de comestibles, établis entre la Porte-Chapelle et le Manège (aujourd’hui le Petit Théâtre) exposaient en vente des pièces de gibier, des morceaux de venaison, des restes, de ragoûts et de potages...»
A côté du Collège au No 24 actuel, était l’Hôtel de Jérusalem qui avait la clientèle des pèlerins venant visiter le Saint Suaire de Saint-Corneille, dont l’existence est mentionnée pour la dernière fois dans un inventaire du 5 octobre 1792. A côté était l’Hôtel de la Grande-Allée appartenant à Mme de Lescure. Celle-ci ayant émigré l’Hôtel fut vendu le 23 vendémiaire an VII, à Antoine Redouté, vitrier,qui le revendit à Nicolas Collin, limonadier moyennant 22.200 F par M. Faroux féculier et servit à l’agrandissement du Collège. Sous le sol de la rue d’Ulm se trouvent des souterrains. En août 1850, un escadron de dragons passait dans cette rue après des journées de fortes pluies. Un éboulement se produisit et un dragon fut englouti dans le souterrain avec son cheval. On put heureusement retirer sains et saufs le cavalier et sa monture.
A l’extrémité de la rue d’Ulm se trouve la Porte-Chapelle, construite sous Henri II, dont elle a gardé les armes, le chiffre et les croissants de Diane de Poitiers. Du côté de la rue d’Ulm, cette porte a été décorée dans le goût Renaissance par Philibert Delorme, disent les uns, tandis qu’un M. Lafollye architecte des Palais Nationaux, en attribuait le mérite à Jean Builant à qui l’on doit le Château d’Ecouen, l’Hôtel Carnavalet, le mausolée du connétable Anne de Montmorency, les tombeaux d’Henri II et de Catherine de Médicis.
Ouverte en 1575, le Porte-Chapelle fut condamnée en 1585 et pour la murer on employa 40 tombereaux de pierres. Dix ans plus tard elle n’était plus qu’une remise dans laquelle on entassait des planches. La porte était condamnée, mais cela n’empêchait pas le portier de continuer à toucher son traitement ainsi qu’il apparait des comptes de la ville. Les sinécures ne sont pas une nouveauté de notre temps.
Avant la Révolution, ces hôtels étaient réquisitionnés pendant les voyages du roi. Ils servirent pour les salles d’éducation des Enfants de France, le futur Louis XVI et ses frères.
Un immeuble appelé la Maison de Montmédy, en souvenir de la prise de cette ville en 1657, était adossé contre la Porte-Chapelle. Il fut acheté par Louis XV. Rue d’Ulm se trouvaient également l’Hôtel du Lion d’Alger (puis du Dey d’Alger) le café d’Ulm, au coin de la rue du Four, la maison, au No 14, de M. Haudiquez-Duquesnoy contrôleur des contributions dont la fille épousa le 30 juin 1880, le général de la Martinière: L’Hôtel de Roye appartenait en 1367 à Mathieu de Roye, gouverneur de Compiègne. Il est devenu le collège, puis Lycée de Compiègne après bien des agrandissements successifs. Il avait notamment pour voisin l’Hôtel du St-Esprit. Or le principal du Collège M. Paradis souhaitait voir s’agrandir son établissement d’enseignement. Un jour que l’Impératrice Eugénie visitait le Collège, le principal lui demanda : « Quand ferez-vous entrer le St-Esprit dans le Paradis ?» L’Impératrice s’offusqua de ce jeu de mots et se plaignit à Napoléon III de l’irréligion du principal. Cela valut à M. Paradis d’être sévèrement tancé.
Par Jacques Mermet, tiré de “nos rues ont une histoire”