La rue Saint-Corneille est une voie de création moderne, du moins dans sa partie allant de la place de l’Hôtel de ville à la rue Jeanne d’Arc
Un arrêté ministériel du 4 avril 1806, pris selon le désir exprimé par le conseil municipal, avait mis l’église Saint-Corneille à la disposition de la ville, à charge par elle de faire à ses frais la démolition, de réparer les dégradations que cela pourrait occasionner aux maisons voisines et aux bâtiments conventuels réservés à l’état, de pratiquer une rue qui serait alignée des deux côtés et pavée dans toute sa longueur, de pratiquer aussi des passages publics et particuliers, de construire sur l’alignement un mur avec porte cochère pour clore l’ancien jardin de l’abbaye.
La démolition de l’église se fit, en partie par l’adjudication ; mais pour certaines parties, présentant de sérieux dangers et dont il était impossible d’apprécier l’importance des travaux à faire, on procéda de gré à gré.
Le maire, M. Dalmas, accepta l’offre de particuliers de démolir des restants de piliers extérieurs, ayant servi de points d’appui à des chapelles, à leurs frais, moyennant l’abandon des matériaux à leur profit.
La dépense de démolition s’éleva à 24.188,16 F, somme couverte par la vente des matériaux, les locations et cessions de terrains. M. Dalmas avait fait conserver les arcades et les galeries de l’église en vue de convertir ces galeries en greniers d’abondance pour la ville ou en locations particulières. Quant aux arcades, elles devaient être converties en halles pour les denrées et marchandises foraines ou en boutiques pour les commerçants.
Le 6 aout 1812, le conseil municipal était saisi d’un rapport sur ces travaux et vota des remerciements à M. Dalmas qui entretemps était devenu sous-préfet — pour « l’intelligence, la sagesse et l’économie mises dans leur exécution ».
Le 4 janvier 1824, la ville fit procéder à l’adjudication des arcades de Saint-Corneille, qui avaient été conservées par M. Dalmas. Les collatéraux de l’église, ainsi mis en vente, furent adjugés à l’entrepreneur Biscuit, à charge de paver la rue dans toute sa longueur et d’adoucir la pente. Ainsi achevée en 1824, la rue rejoignait celle du Marché-aux-Toiles, allant de la place du Change à la rue d’Austerlitz. En mars 1870, le conseil municipal décida que la rue du Marché-aux-Toiles prendrait le nom de rue Saint-Corneille attribué à la rue dans toute sa longueur.
L’Etat en cédant l’église Saint-Corneille à la ville, s’était réservé les bâtiments claustraux. En 1810, Napoléon manifesta l’intention d’y établir une caserne. Le conseil municipal, dans sa séance du 9 avril 1810, signala les inconvénients que pouvait présenter ce projet, notamment le danger d’incendie « dont les effets deviendraient d’autant plus désastreux que presque toutes les maisons qui entourent Saint-Corneille sont très anciennes et construites en pans de bois ». Le conseil proposa d’établir la caserne projetée dans les bâtiments et la moitié du jardin, du collège, auquel, par voie d’échange, aurait été transféré à Saint-Corneille.
Ce projet n’eut pas de suite. La ville garda le collège et les bâtiments de Saint-Corneille devinent la Manutention. Le 4 avril 1884, le conseil municipal décidait de solliciter du Ministère de la Guerre, la cession à la ville de la manutention militaire en vue de l’installation d’une halle au blé. Jules Troubat s’éleva vigoureusement contre ce projet qui, fort heureusement, n’aboutit pas.
Enfin, le 26 janvier1923, M. Fournier-Sarlovèze obtenait le classement du cloître Saint-Corneille, comme monument historique, et le sauvait ainsi de la destruction, en attendant la restauration qui débuta, entreprise par les Beaux-arts après la guerre 939-1945.
La rue du Marché-aux-Toiles, de la rue Jeanne-d.’Arc à la place Saint-Clément, qui fait aujourd’hui partie de la rue Saint-Corneille, posséda autrefois d’anciens logis. A l’angle de la place du Change (où est la pharmacie Dupille) se trouvait l’hôtel de la Pomme d’Or, puis en allant vers la rue d’Austerlitz, les hôtels des Ciseaux d’Or, du Corbillon et du Petit Corbillon, de Jean l’Apôtre.
De l’autre côté de la rue se trouvait l’hôtel de la Chausse ou de Saint-Rémy qui existait déjà au début du XIV siècle. Sur l’emplacement des immeubles détruits pendant la guerre de 1914-1918, se trouvait la Collégiale Saint-Clément ; dans l’un des transepts de laquelle une chapelle, dédiée à Saint-Leu, était un lieu de pèlerinage où l’on conduisait les enfants pour les guérir de la peur et du « carreau ».
Par Jacques Mermet, tiré de “nos rues ont une histoire”