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Les habitants de Verberie se nomment « les sautriauts », dénomination bien curieuse qui mérite une explication. A-t-elle pour origine un réalité historique ou est ce une légende?

Il nous a paru nécessaire de revenir à la source des informations. au travers de celui qui en parle avec le plus de détail, l’abbé Claude Carlier (1725-1787), historien du XVIIIème siècle, natif de la commune de Verberie. Il devait donc bien connaitre le sujet et peut-être avoir vu les habitants de Verberie dans leurs activités. Dans son « Histoire du duché de Valois » daté de 1764, il consacre au tome 2, p.650, un article sur l’origine et l’histoire des sautriauts. Il se réfère alors à un témoignage plus ancien datant du début du XVIIème siècle.
Par la suite les historiens se sont inspirés de ce texte. Nous le reproduisons ci-dessous dans son intégralité avec son orthographe de l’époque.

Verberie au XVIIIème siècle; On observe que la route ou tomboire qui descend du plateau vers le village est pratiquement rectiligne – extrait du plan Cassini – 1757- BNF Gallica . Les autres plans des fin XVIIème et début XVIIIème siècle montrent le même tracé

« Le renouvellement du jeu des tombereaux (1) de Verberie, qu’on nomme présentement sautriaux, est aussi ancienne que le renouvellement des jeux d’arc et d’arbalêtre. L’Auteur de l’Antiquité des villes observe, p.394 (1), « qu’on voit à Verberie une société de tombereau (2) ou petits galans, qui se laissent rouler du haut en bas de la colline, pour amuser les passans“.
Le jeu des tombereaux de Verberie est antérieur au temps où écrivait cet Auteur ; il subissait avant la mort de Duc d’Orléans, frère de Charles VI. Dans les titres de 1300, 1340 et 1344, le grand chemin de Verberie à Paris, où était situé le tomboire est toujours appelé  le chemin de M. le Duc d’Orléans. On l’appelle “chemin des tombereaux” dans plusieurs actes du quinzième siècle, et nommément dans deux pièces que j’ai lues, dont l’une datée de 1500, et l’autre de l’an 1570. Il fallait qu’alors le spectacle ait pris faveur pour substituer au nom d’un Prince celui d’une troupe du bas-peuple.
L’adresse du sautriau consiste à entrelacer tellement sa tête, ses bras et ses jambes, que son corps prenne la forme d’une boule. Il se précipite en cet état du haut de la montagne et reparait subitement sur ses pieds, lorsqu’il est arrivé en bas. Le spectacle peut être joué à deux personnages ; deux sautriaux se mettent alors la tête l’un dans les jambes l’autre, s’entrelacent les bras et forment une boule double de la première.
Nous apprenons de quelques écrits qu’avant le règne de Henri IV des troupes de sautriaux se formèrent en diverse provinces du Royaume, à l’imitation de ceux de Verberie, et que ces derniers envoyèrent des élèves jusqu’en Provence. Le jeu paraissait beau et intéressant aux curieux de cet âge et il leur suffisait. Ce qui est singulier c’est que depuis un temps immémorial, les sautriaux de Verberie sont inscrits sur l’état des menus plaisir du Roi, pour une somme qui leur est délivrée chaque fois que le Prince descend la montagne de Verberie pour aller à Compiègne. On nous a communiqué une note qui porte qu’au Sacre de Louis XV (3)  la troupe des sautriaux de Verberie purent s’établir sur une colline du grand chemin de Reims et qu’ils en furent chassés par les habitans d’un village voisin ; que les sautriaux ayant porté leurs plaintes au Prévost de l’Hôtel, ils furent maintenus dans leurs anciens droits de récréer le Roi à son passage. Le nom de Sautriau est le sobriquet qu’on donne à tous les habitants de Verberie, quoique le talent de sauter ne soit exercé que par les gens du bas-peuple. »

 

1- L’abbé Carlier fait référence à André Du Chesne (ou Duchêne),1584-1640, historien et géographe français qui composa un ouvrage retraçant l’histoire de France au travers de ses régions  “Les antiquitez et recherches des villes, chasteaux, et places plus remarquables de toute la France, Jean Petit-Pas, Paris, 1614.  Voici ce qu’il écrit en page 385 du chapitre du second volume ” De la prévôté et châtellenie de Béthisy” :
” La troisième prévôté et châtellenie du Valois qui ressort de la prédisialité de Senlis est le bourg de Béthisy située en une gorge assez large et spacieuse de la vallée de l’Autonne, laquelle prenant sa source entre les villes de Couliolles et Pisselieu, près de Villers Côte Rez et venant de partir et de traverser la prairie dudit Béthisy, Saintines et Verberie, membre dépendant de la dite prévôté de Béthisy, et renommée pour les petits galans qui se laissent rouler du haut d’une coline en bas sans se blesser, dont ils sont appelés les Tombeaux ou Sauteraux de Verberie”. On peut s’étonner qu’une telle pratique populaire soit mentionnée au même titre que la “grande histoire” de France qui compose la majorité de l’ouvrage.
On peut en déduire que sa véracité en est d’autant plus établie et qu’elle est bien antérieure à 1614, date de publication de l’ouvrage..
2- Tombereau ne désigne pas une carriole, mais vient du mot ancien tombée, chute. Un tombeor est un danseur, un sauteur
3- Le sacre eut lieu le 26 octobre 1722.

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