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L’hôtel de ville, gravure de Tavernier de Jonquières

Cet imposant édifice, justement célèbre, demeure exemplaire de l’architecture civile flamboyante des premières décennies du XVIe siècle, comme des restaurations poussées du XIXe siècle. Il témoigne d’abord de la prospérité retrouvée du Compiègne de la fin du XVe siècle, renouvelant alors un patrimoine municipal auparavant négligé. La première moitié de ce siècle a vu en effet s’accumuler les désastres : Compiègne au milieu du XVe siècle est en partie en ruine après avoir subi plusieurs sièges et perdu les deux tiers de ses habitants. Toutefois, l’administration communale, très sollicitée lors de la guerre de Cent Ans, s’est développée et pris une importance jusqu’alors jamais atteinte La fin du XVe siècle, portée par une reprise économique urbaine florissante, est la grande époque des constructions édilitaires municipales : hôtels de ville et halles. Leurs formes sont généralement empruntées au vocabulaire architectural des édifices religieux à quelques exceptions près : ainsi les fenêtres le plus souvent rectangulaires et non ogivales, les charpentes sont toujours très importantes. Comme le montre fort bien l’édifice compiégnois, il y a une volonté affichée d’éblouir et de marquer la puissance urbaine retrouvée.

L’hôtel de ville aujourd’hui (Photo JP Gilson)

Au vrai, réunir plusieurs parcelles dans l’espace resserré d’une ville remparée est en soi une manifestation de puissance. Sur l’emplacement de deux maisons léguées à la Ville par Jean Loutrel en 1397 (il les lui louait depuis 1367), le maçon Pierre Navyer, dit de Meaux, qui travailla avec Pierre Chambiges au portail sud de la cathédrale de Senlis, élève l’édifice à partir de 1504-1505. Il est achevé progressivement à partir de 1511. La première réunion dans la grande salle a lieu le 17 janvier 1513. Les travaux cependant se poursuivent jusqu’en 1530. Se construit alors un assez vaste édifice rectangulaire avec une tour distendue formant beffroi, le tout obéissant à un programme détaillé.

Ce beffroi abritait la cloche communale ou Banclocque, de près d’un mètre trente cinq, porte une inscription attestant de son nom et de sa fabrication en 1303, par maîtres Gilles de Bliki et Guillaume de Croisilles, au temps de Foucart Harel, l’un des derniers maires médiévaux, cette fonction disparaissant en 1319 D’abord dans le clocher de Saint-Jacques, elle gagna le nouveau beffroi en 1517. Ce dernier était sommé d’un lion en guise de girouette, descendu en 1793. Au premier étage, s’étendait sans doute la grande salle qui ouvrait sur la place du marché par de grandes fenêtres à croisée, encadrées de statues. Nicolas d’Estrée sculpte les deux figures de l’Annonciation dans la niche centrale accompagnées des effigies de Charlemagne, saint Denis, saint Louis et de Pierre d’Ailly. Une horloge est installée le 12 octobre 1530 probablement avec les premiers Picantins. Cette Annonciation fera place en 1654-1655 à une statue de Louis XIV par Gilles Guérin, payée 1200 francs pour ce travail en pierre peinte couleur bronze sur un fond imitant le marbre noir. Il a également sculpté pour 500 francs la Justice voisine sur la façade d’une première extension du bâtiment, vers 1650. Ce Guérin (vers 1611/1612-1678) est un sculpteur baroque, peut-être élève de Jacques Sarrazin, qui joue des oppositions d’ombres et de lumière sur des volumes puissants et contrastés. Les échevins de Paris lui avaient déjà commandé un Louis XIV adolescent terrassant la Rebellion, c’est-à-dire la Fronde, en marbre, en 1653, aujourd’hui à Chantilly. Le Louvre conserve de cet artiste les effigies funéraires du duc de La Vieuville et de son épouse Marie Bouhier de Beaumarchais (ap. 1658). L’escalier de pierre fut remplacé par un escalier de bois par l’architecte Mouton lors de l’installation de l’intendant dans le bâtiment en 1778.

Les Picantins (photo JP Gilson)

La Révolution eut raison de l’ensemble du décor, médiéval ou plus récent, comme des tableaux et tapisseries ornant les intérieurs. L’hôtel de ville au début du XIXe siècle est en bien piètre état et seules des réparations de fortune lui permettent d’attendre des jours meilleurs. Toutefois, au centre de la façade, furent sculptées en 1821 les armes de la Ville au dessus d’un cadran d’horloge.
Grâce à Aymar Verdier et Eugène Viollet-le-Duc, l’hôtel de ville de Compiègne devient au XIXe siècle particulièrement admiré. En effet, de la main de Viollet-le Duc est conservé au musée de Limoges un projet de restauration de notre hôtel de ville. De fait, cet intéressant monument est classé dès 1840. Aymar Verdier commence sa restauration en 1854 mais déplace au centre de la façade la porte principale ce qui entraîne de multiples désordres. Il publie, en 1855, un Recueil d’architecture civile et domestique au Moyen Age et à la Renaissance où notre édifice figure en bonne place. Napoléon III favorisa la reprise des travaux et l’ensemble de la façade fut reprise et les charpentes refaites. Henri Jacquemart (1824-1896), spécialisé dans les figures et les groupes d’animaux : sphinx de la fontaine du Châtelet, dragons de la fontaine Saint-Michel…, mais également créateur du Mariette de Boulogne-sur-Mer et de divers travaux au Caire et à Alexandrie, est l’auteur du bas-relief équestre de notre hôtel de ville. Ce Louis XII, commandé par l’Etat, figura au Salon de 1869 et appartient tout entier à la veine dite réaliste dominante à l’époque.

La porte de l’arsenal (photo SHC)

Auguste Laffolye, élève de Viollet-le-Duc travaille de longues années à l’achèvement du chantier, rétabli un escalier à vis de pierre en 1878 et les dernières statues ne sont mises en place qu’en 1882. Elles représentent les mêmes personnages qu’avant la Révolution auxquels s’ajoutent Jeanne d’Arc par H. H. Plé et Charles VII.
La Salle du Conseil Municipal montre une série de tableaux retraçant les grands moments de l’histoire de Compiègne.
La toute voisine porte de l’Arsenal, quoique entièrement refaite en 1867, témoigne d’une création les plus originales de la Renaissance française : la colonne canon. Cette porte majestueuse est directement inspirée du portail de l’avant-cour de l’Arsenal de Paris, dessinée selon certain par Philibert De l’Orme dans les années 1550, mais érigée à partir de 1584. Précédée de quelques dessins et gravures, la dite porte est la première à user de cet étonnant motif qui aura un certain succès à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle. Derrière subsiste la façade de l’ancienne prison, oeuvre de Jacques Cellerier entre 1773 et 1778, témoignage comme le portail du grenier à sel (1775-1784) de Claude Nicolas Ledoux (1736-1806), architecte du roi depuis 1773, de l’esthétique néoclassique la plus pure dans le Compiègne de la fin du XVIIIe siècle.

La place, reconstruite presque entièrement après la Seconde Guerre mondiale par l’architecte Jean Philippot, est le sujet de l’épreuve d’intégration du concours des architectes de Monuments historiques en 1945-1946. Au centre, s’élève, depuis 1880, la statue de Jeanne d’Arc par Etienne Leroux.

Texte de François Callais

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