Skip to content Skip to footer
Le barrage de Venette avant 2010.
Le barrage de Venette en 2022.

En 1820, un rapport du Roi Louis XVIII sur l’état des fleuves et des rivières navigables en France nous indique que le flottage commence sur l’Oise à Beautor, près de La Fère, à Mouzon, au sud de Sedan, pour l’Aisne, et que la navigation commence à Chauny pour l’Oise et à Château-Porcien pour l’Aisne.

Cependant il n’existe à cette époque ni barrage, ni écluse, et le passage des bateaux est souvent difficile quand il y a trop ou trop peu d’eau, et ce malgré les lâchures régulièrement effectuées à Chauny et à Sempigny pour faciliter la navigation.

La loi du 5 aout 1821 va permettre à la navigation de se développer, et l’Oise est peu à peu aménagée : approfondissement du lit, remise en état des berges, construction de barrages et d’écluses.

Les travaux d’amélioration entrepris par la Compagnie Santoris sont achevés en 1825. A cette date, une hauteur d’eau constante de 1,60 m, qui est alors estimée comme très satisfaisante, peut être obtenue en tout temps, rendant possible une navigation régulière pour les voyageurs de bateaux à vapeur à roues à aube. Il est envisageable dès lors d’émettre l’hypothèse que l’Oise et l’Aisne auraient pu être sillonnées dès cette époque par ces mêmes bateaux… mais on ne trouve pas trace de ce trafic.

Le manuscrit de Léré qui se trouve à la bibliothèque Saint-Corneille de Compiègne témoigne de la présence de chantiers de construction de bateaux à vapeur à roues à aube à Compiègne dès 1822, dessin à l’appui. Deux bateaux à vapeur sortiront bien de ces chantiers en 1823, le « Ville du Havre » et le « Ville de Compiègne », mais ils ne seront pas utilisés pour le transport de passagers ou de marchandises sur l’Oise.

En 1834 on entend parler d’un projet de bateau à vapeur sur l’Oise, pour le service de Compiègne à Maisons-Laffitte, où des correspondances de voitures pour Paris attendraient les voyageurs. Mais le projet est abandonné : trop d’obstacles à la navigation subsistent encore.

Le barrage de Venette à la fin du XIXème siècle.

Il faudra attendre 1838 pour voir enfin se réaliser la canalisation de l’Oise et la réalisation des travaux indispensables en aval du canal latéral de Janville ; en particulier par la construction en rivière de sept barrages éclusés destinés à relever le niveau des eaux de l’Oise. Le barrage à aiguille de Venette sera le premier ouvrage après le barrage de Janville. Et le 2 juillet 1838 est annoncée l’arrivée du « Ville de Compiègne » qui effectue son premier voyage du Pecq à Compiègne en huit heures de navigation. Le trafic sur l’Oise alors devient intense, tant pour le transport de passagers vers Paris, via Le Pecq, qui remplace avantageusement la diligence avec un confort incomparable, que pour le transport de marchandises : en 1839, 6000 bateaux à aube – notamment sous le pavillon des « Accélérés des Mariniers réunis » avec leurs 60 bateaux – franchissent les écluses de Venette, chargés de la houille des mines du Nord de la France, de bois et de tourbe, à destination de la capitale, qui en consomme de plus en plus.

A Venette une première écluse a été construite entre 1826 et 1835, longue de 45 mètres sur et large de 8 mètres. Puis, face à l’évolution de la navigation, une nouvelle écluse de 125 m sur 12 m est réalisée entre 1890 et 1900, en créant pour sa dérivation une île artificielle, l’île des Rats, reliée par un pont métallique à la commune de Venette. Elle peut ainsi accueillir les péniches de type Freycinet qui mesurent plus de 38 mètres de long. Une troisième écluse, de 185 m sur 12 m, sera édifiée en 1975, sur la rive gauche de l’île de Venette. Elle sera restaurée en 2004.
L’étiage est assuré par un barrage au travers de la rivière. Jusqu’à la fin du XIXe siècle, il s’agit d’un barrage à aiguille, les éclusiers abaissant ou relevant des planchettes de bois pour faire varier le niveau de l’eau. Une passerelle inondée relie les deux rives.

Le barrage Derôme de Venette – 1905.

A partir de 1878 et jusqu’en 1910, l’ingénieur Derôme se voit confier la construction de 7 barrages filtrants à vanettes et cadres avec passerelle métallique sur le cours de l’Oise. Ces ouvrages ont pour vocation de maintenir constante la hauteur du bief. Celui de Venette est édifié en 1905.

Un nouveau chantier débute en 2009 pour se terminer en juillet 2011, avec la modernisation des ouvrages de navigation sur les 100 km de rivière navigable entre Compiègne et Andresy. C’est un développement nécessaire pour cet axe situé à l’extrémité sud du futur canal à grand gabarit Seine-Nord Europe. Un nouveau barrage, situé 15 m en amont de l’ouvrage du XIXe siècle, est édifié et le barrage est entièrement automatisé avec des clapets qui remplacent les manœuvres réalisées jusqu’ici à la main par les éclusiers ; la vieille passerelle en fer qui date de 1905 est détruite en octobre 2011 pour être remplacée par une nouvelle construction avec passage pour piétons et vélos.

Jean-Pierre Duterne, textes tirés de Voyages en vapeur à l’époque romantique de Marie-Louise Gauthier, Bulletin des amis de la Batellerie n° 36 – décembre 1996, et de Entre rivière et forêts, la communauté compiégnoise, de François Callais et Philippe Bonnet-Laborderie – Gemob – 2005.                                 

La catastrophe du 22 mai 1891 au barrage de Venette

Dessin paru dans le Petit Parisien du 31 mai 1891.

Article paru dans le Progrès de l’Oise du 23 mai 1891 :

“Hier soir arrivait à Compiègne, venant de Lille, une société de neuf personnes. Cette société avait projeté pour le lendemain une joyeuse excursion aux environs de notre ville dont on lui avait vanté le charme pittoresque. Le but de cette partie de plaisir était Saintines, près de Verberie, et le voyage devait s’accomplir par eau sur un joli yacht de plaisance, le Ryssel, amené de Lille par un pilote et un mécanicien.
Le soir, à l’hôtel de la Cloche où les touristes étaient descendus, le programme de la journée du lendemain fut arrêté en commun. On décida d’aller visiter Pierrefonds, après un déjeuner à Saintines, et de revenir le soir à Compiègne.
Ce matin, deux des voyageurs, MM. Raymond Bommart et Edouard Crépy, prirent le train de 8h48 pour aller préparer le déjeuner à Saintines, à l’ancien moulin de M. Nicolle où ces messieurs ont établi une filature.
Pendant ce temps là, les autres excursionnistes embarquaient au Port-aux-vins, sur le yacht qui s’y trouvait amarré depuis la veille, et à 10 heures, un coup de sifflet strident annonçait le départ. Elancé et rapide, le petit vapeur descendit le courant dans la direction de Venette. Plusieurs personnes qui se trouvaient sur les rives s’étonnèrent de la direction prise par le yacht. Ils le voyaient filer en droite ligne vers le barrage et s’effrayaient de l’imprudence du pilote. Peut-être ce dernier ignorait-il le danger au-devant duquel il courait à toute vapeur ? Etait-ce possible ? MM. Plessier, Roomont et Dupuis constatèrent bientôt que leurs pressentiments ne les trompaient pas. Le Ryssel s’élançait vers le gouffre sans un écart, immuablement !! Les cris de détresse poussés de la rive ne les firent pas dévier d’une ligne, car sur le pont, on causait joyeusement sans tenir compte des clameurs et des gestes affolés des mariniers dont on ne comprenait pas la signification terrible.
A quelques mètres de la chute, le mugissement des eaux bouillonnantes arriva enfin jusqu’au bateau, comme un messager sinistre, et changea cette gaité en mortelle angoisse. Terrifié, le pilote essaya de manœuvrer en sens contraire : le yacht n’obéit pas et fut entrainé toujours plus avant ; le gouffre l’attirait violemment… Il disparut d’un seul coup, englouti, broyé contre les pilotis et les énormes pierres du barrage.
Les témoins de cette scène affreuse sautèrent dans des barques et se portèrent au secours des victimes. Trois d’entre elles surnageaient, emportées par le courant ; elles furent sauvées par MM. Saerens, marinier de Gendbrugge (Flandre) et Émile Manche, pilote à Conflans, Soutaërt, marinier à Gand et Alphonse Poulin, pilote à Conflans. Transportées chez M. Roomont, elles reçurent les soins empressés des docteurs Lesguillons et Chevallier et de Mme Bernoval, sage-femme, qu’on avait été chercher en toute hâte.
Les trois survivants de la catastrophe sont M. Toussin, Mmes Adolphe Crépy et Raymond Bommard.
Les cadavres des autres victimes n’ont pu être retrouvés. Voici leurs noms : M. et Mme Georges Dubois de Valenciennes ; M. Maurice Bommart, Mme Georges Toussin, de Lille, le mécanicien et le pilote. M. et Mme Dubois étaient mariés depuis deux mois seulement.
A l’heure où nous mettons sous presse, le pêcher Jean Dailly et ses fils, MM. Lesueur et Leclère, fouillent la rivière sans résultat. Quelques épaves ont été recueilles : deux chapeaux et plusieurs coussins de banquettes.
Le Ryssel mesurait dix mètres de long et 1,50m de large.
La nouvelle de cet affreux malheur s’est répandue immédiatement dans Compiègne et dans les environs où elle cause une immense douleur.”

Extrait du Progrès de l’Oise du 31 mai 1891 :

“Le yacht fut renfloué quatre jours après le drame sans que l’on retrouve trace des corps. Ce n’est que quatre jours plus tard qu’un pêcheur, M. Dailly, repêcha le corps du pilote du bateau et, le lendemain, celui de Mme Dubois. La catastrophe resta inexpliquée, M.Bommard, qui avait loué le bateau, ayant été informé de la présence du barrage et des écluses, et des cartes de navigation étant présentes à bord. Reste l’indication du barrage. “Il est certain que la présence en rivière d’une écluse avec son mur ou bajoyer, du pertuis à aiguilles avec sa pile, est une indication sur laquelle personne ne se trompe en regardant devant soi. C’est plus visible que tous les mats et bouées possibles. La meilleure preuve que ce n’est pas un danger réel, c’est que depuis 1827, époque à laquelle le barrage de Venette a été construit tel qu’il est, il y passe plus de 20 000 bateaux par an. Non seulement un semblable accident n’est jamais arrivé, mais jamais personne n’a songé à en signaler le danger.”

SOCIÉTÉ HISTORIQUE DE COMPIÈGNE © 2024. TOUS DROITS RÉSERVÉS • UNE RÉALISATION